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Les robots partent à la conquête des champs

Large choix. L’offre de robots destinée aux cultures est extrêmement variée avec des concepts de tailles différentes, fonctionnant sur batteries ou au GNR. D.Lehé

En élevage, les robots sont devenus courants dans les stabulations alors qu’ils sont encore peu présents dans les champs. La technologie progresse pourtant rapidement avec de nombreuses applications en cultures spécialisées. Les premiers modèles conçus pour le travail en plein champ ont récemment fait leur apparition.

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E n 1992, les éleveurs, parfois incrédules, voyaient arriver en France le premie­r robot de traite. Depuis, ces matériels n’ont cessé d’évoluer et de se diversifier avec de nouveaux fabricants et une offre toujours plus variée : repousse fourrage, robots d’alimentation, de raclage ou de paillage… Dans la stabulation, une grande partie des tâches est désormais auto­matisable, libérant l’agriculteur d’astreintes souvent pénibles et chronophages. La pénurie actuelle de main-d’œuvre qualifiée explique aussi cet engouement.

Après avoir prouvé leur intérêt et leur fia­bilité dans les étables, les robots partent désormais à la conquête des champs. Pour s’en convaincre, il suffisait de se rendre début septembre à Innov-Agri, dans le Sud-Ouest, près de Toulouse. Sur ce grand salon en extérieur consacré au machinisme et aux grandes cultures, tout un espace était réservé aux démonstrations de ces robots.

Une offre élargie et des concepts variés

Une petite dizaine de constructeurs étaient présents avec une offre large et plusieurs concepts de matériels variés que ce soit au niveau de leur architecture ou de leur mode de fonctionnement. Certains fabricants, comme Naïo Technologies, Agreenculture, Carré ou Sitia, proposent déjà depuis quelques années des robots de petits ou moyens gabarits fonctionnant sur batteries rechargeables. Ces modèles sont souvent destinés aux cultures spécialisées, mais les fabricants travaillent aussi sur de futures versions, plus larges et plus rapides, adaptées aux grands espaces. « Nous vendons déjà du matériel autonome pour le désherbage mécanique en vigne, en arbori­culture ou en maraîchage, explique Gaëtan Séverac, le cofondateur de Naïo Technologies. Ces outils autonomes ont démontré leur efficacité et, à court terme, ils pourront s’adapter au domaine de l’élevage, avec du binage de maïs ou d’autres cultures. Dans le même esprit, il est facile d’imaginer des robots destinés à l’entretien des prairies : broyage des refus, gestion des adventices ou sursemis. »

Premier obstacle à franchir pour gagner en débit de chantier et devenir opérationnel sur de plus grandes surfaces : le manque d’autonomie des batteries. FarmDroid a par exemple installé un panneau solaire sur son robot de semis et désherbage. D’autres fabricants réfléchissent à un système de batteries interchangeables au champ. Toutefois, quelques marques préfèrent rester fidèles au moteur diesel. C’est le cas d’AgXeed et d’Agrointelli qui présentaient des porteurs autonomes conçus spécifiquement pour travailler en grandes cultures.

400 robots déjà en service en France

L’association RobAgri, dont la mission est de promouvoir l’usage de la robotique agricole en agriculture, estime qu’il y aurait aujourd’hui en France, près de 400 robots et cobots (robots non autonomes) en service dans les champs. Un chiffre qui devrait être multiplié par quatre d’ici à 2025, selon cette même source. « Les équipements vendus actuellement sont surtout opérationnels en cultures­ spécialisées, sur de petites ou moyennes parcelles, souligne Stéphane Duran, chargé de projet chez RobAgri. Dans ces productions, la robotisation était plus simple à mettre en place : travail du sol, binage, tonte, traitement… Mais, avec les progrès des capteurs et l’augmentation de l’autonomie des batteries électriques, des solutions commencent à apparaître pour les cultures de plein champ. Nous fédérons l’essentiel des constructeurs et travaillons avec eux pour le développement de ces technologies. »

Un des principaux freins à l’expansion des robots reste la réglementation. En effet, pour des questions de sécurité, la loi limite la taille et les vitesses de déplacement des matériels autonomes. Pour intervenir en milieu ouvert avec un robot, la présence d’un surveillant restant à proximité est, par exemple, obli­gatoire, alors que l’objectif de la roboti­sation est justement de réduire les besoins en personnel. RobAgri travaille donc avec les pouvoirs publics pour démontrer que les systèmes de sûreté, dont les capteurs embarqués, sont suffisamment performants pour prévenir tout risque d’accidents. Une expérimentation est même en cours de lancement pour valider un protocole autorisant à terme la traversée de chemins ruraux. Ce point pourrait être essentiel pour permettre le développement de matériel sans chauffeur dans les zones d’élevage où le parcellaire est beaucoup plus morcelé que dans les plaines céréalières.

Des capteurs pour remplacer l’œil du chauffeur

Si les robots savent bien se repérer et éviter les obstacles, tout l’enjeu des années à venir en matière de recherche et développement, est désormais de les rendre parfaitement auto­nomes en cas d’incident lors du chan­tier : accumulation de débris végétaux devant l’outil, bouchage d’une descente du semoir… « S’il faut revenir sans cesse dans la parcelle à cause d’une alarme, cela ne nous fera pas gagner de temps », commentait un agri­culteur devant une démonstration à Innov-Agri. Cela implique l’utilisation de capteurs performants sur l’outil attelé pour remplacer l’œil du chauffeur. Les constructeurs ont recours à l’intelligence artificielle pour que la machine prenne les bonnes décisions : arrêt, marche arrière pour éliminer le bourrage et redémarrage au même endroit… Il est alors indispendable que l’outil et son robot porteur sachent communiquer entre eux, notam­ment via la norme Isobus.

« Techniquement, plusieurs constructeurs sont déjà prêts pour les travaux en plein champ, ajoute Stéphane Duran. Même si les débits sont variables selon les opérations et que les machines ne savent pas encore tout faire, le secteur progresse cependant très vite. Quand les premiers robots de traite sont arrivés dans les fermes, beaucoup d’éleveurs n’y croyaient pas et pourtant, aujourd’hui, leurs performances et leur fiabilité sont reconnues. Actuellement, pour les surfaces semées, les fabricants s’intéressent davantage aux grandes cultures qu’à l’élevage, car le potentiel est plus élevé et les parcelles plus grandes. Sachant que des technologies issues de grandes cultures sont transférables. En outre, nous sommes prêts à réfléchir à des applications nouvelles avec des groupes d’éleveurs intéressés pour installer des robots agricoles dans leurs champs. »

Denis Lehé

© D. Lehé - Stéphane Duran, de l’association RobAgri, explique que les constructeurs sont disposés à étudier des demandes d’éleveurs intéressés par un projet de robotique au champ. D. Lehé

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